Garenne

Publié le par VICOMTE DE LINIERES

Mon premier lapin se situa vers la trentaine.

Non qu'on m'en ait posé un, ni même que je fus victime du coup au niveau du cou, mais que je me mis en quête d'en acquérir un, pour l'éducation des enfants.

J'ai toujours pensé qu'un gamin qui n'est pas précocément en rapport avec des animaux ne saura pas reconnaître, plus tard, la bestialité des humains.

Le lapin a l'avantage, par rapport au chien, d'être moins dispendieux en promenades et nourriture.

Moins encombrant, également.

Le premier lapereau dont je m'entichai était vendu dans une animalerie d'Eragny pour un "lapin nain".

C'est vrai, qu'à part les oreilles, tout était très nain, Mimie !

La suite m'enféroça dans la suspicion commerçante.

Quelques semaines après, il avait déjà dépassé la taille et l'embonpoint d'un Raminagrobis en surpoids.

Un peu comme les fruits et légumes de l'Ancien Testament.

De quoi nourrir une tribu à l'année !

Ce lapin, je voulais pas qu'il finisse concentrationnaire.

Flûte ! Je vous l'ai pas présenté.

C'était Dizou ou Didi, car le ticket de caisse mentionnait le dix août.

Un trois septembre, je me serais creusé davantage !

Il vivait donc en liberté parmi nous, ma femme, les cinq enfants et Ma Vicomterie.

Pendant qu'on dinait, il venait se servir dans nos assiettes, goûtant les mets, détectant les poisons homicides, et tentait en vain de s'enfiler une gorgée de Haut-Brion.

Il ne sortait que très rarement dans le jardin car, visiblement, la Nature l'effrayait.

Il préférait aller et venir dans la maison, bouffer mes fils électriques et, d'une incisive habile, accrocher le bas d'un lai de papier-peint et, avec doigté, prendre un peu de recul pour tout décoller jusqu'au plafond.

Le soir venu, il venait sur mes genoux, assister au spectacle télévisuel. (A l'époque, je regardais encore la lucarne.).

Et, la nuit venue, il rejoignait son couffin en rendant grâces aux dieux humains.

On l'emmenait en vacances, et il nous a suivi dans notre nouvelle maison, bien sûr.

Il a vécu environ dix ans.

Y a des gosses qui meurent avant cet âge.

Je l'ai enterré sous un genévrier, dans une boîte en carton.

Quelque temps après, mon Barroux a trouvé la tête, m'obligeant à une seconde inhumation.

Sous l'arbuste, c'est le charnier.

A part Didi, j'ai treize cochons d'Inde issus de la même femelle.

Le parterre est propice à toutes floraisons graminées apportées par les piafs que je nourris quotidiennement.

Une bonne centaine de mésanges, fauvettes, verdiers, rouge-gorges et sittelles.

Les enfants ! Faut vite remplacer les morts par les vivants.

Pas le temps de faire le deuil.

Je fis donc l'emplette d'un Gizmo (Bah oui, hein! Ils avaient des Lettres.)

Lapin nain, lui aussi, de l'espèce gargantuesque.

Mais les temps avaient changé.

Les court-circuits, les crottes sur les moquettes, les sciures partout transportées, le charme n'opérait plus.

On ne remplace pas un défunt.

Il est toujours là dans sa cage, à ne pouvoir bouger depuis des années.

Croquant, pissant, grignotant, les ongles en éventail et ne pouvant ronger que son frein.

Je serai content pour lui quand il ira faire connaissance avec Dizou.


Post-tapum: Je te rappelle, Bénédicte, que c'est TON lapin !

Publié dans Souvenirs

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