Liz

Publié le par VICOMTE DE LINIERES

Ce 29 octobre 1983, vers midi, la chaleur était étouffante à l'Hôpital de Pontoise.

Nous étions tous en chemisette et saharienne.

On appelle ça "l'été indien"; on aurait tout aussi bien pu le nommer "l'été vietnamien".

C'est ce jour-là, en effet, que naquit ma deuxième production cosmopolite.

S'agissant d'une fille, l'officier d'état-civil comprit très vite que le prénom était déposé de longue date.

Ce serait "Elisabeth".

Il faut d'ailleurs que je vous parle des négociations qui ont présidé à l'étiquetage de chaque rejeton.

C'est un reflet de mon évolution personnelle.

Ma femme avait son mot à dire et ne s'en est pas privée.

Je dois donc déplorer la mort prématurée avant conception, d'un petit Gauthier, d'un Louis solennel et d'un sonnet à Hélène.

Mais, dans l'ensemble, je l'ai emporté.

Je ne suis pas féministe et ma femme, non plus.

Elle se contente d'être féminine, ce qui n'est pas si facile.

La première, lecteur distrait voire hostile, s'est vu affublée du magnifique prénom de Anne.

C'était prémédité, c'est-à-dire prédestiné, de toute éternité.

Le cinéma français sous l'Occupation ayant produit des perles de culture en nombre ( je suis moins sévère que Rebatet-Vinneuil à ce sujet ), j'étais fasciné par " Les visiteurs du soir "  qu'on avait projeté au ciné-club de Montgeron.

Et, Alain Cuny, Marie Déa, Jules Berry et Arletty, étaient restés dans ma mémoire d'enfant.

( Ici, je fais une incise. Pas une incision ! Quoique je sache faire les deux. Il est possible que les noms propres n'aient pas l'orthographe requise, mais je m'en fout.

Je travaille uniquement de mémoire et préfère les premiers jets, comme soupirent les prostatiques ).

Pour ceux qui connaissent "Les visiteurs du soir" - rien à voir avec l'immonde pochade visiteuse - , Anne est aimée d'Alain Cuny.

Et j'ai partagé cette passion avec lui.

Ce que je ne savais pas, c'est que cet acteur était pas trop attiré par les dames, ce qui rendait son jeu plus sincère et dévastateur.

Ce que je ne savais pas non plus, c'est que j'allais faire sa rencontre sur une plage de Saint-Malo et qu'il nous inviterait, ma femme et moi, dans sa magnifique demeure médiévale de la ville corsaire, et, de retour à Paris, dans son non moins magnifique appartement niché derrière le Palais Bourbon.

Ce que j'ignorais encore, c'est qu'il me poursuivrait de ses assiduités jusque chez Maman, au 32 rue Médéric, porte C, 3ème étage droite.

Au bout du quatrième billet doux, il dût se rendre à l'évidence que je ne faisais pas partie de sa corporation.

Je lui suis reconnaissant de m'avoir trouvé beau garçon, et, de son côté, je suis certain qu'il a apprécié le fait qu'un inconnu puisse connaître son nom à la fin des années 1970.

Tout naturellement, ma première fille doit vivre éternellement avec ce prénom, que, par la suite, nous raccrochâmes au tender évangélique puisqu'il s'agit de la mère de La Mère.

Pour Elisabeth, c'était encore plus fastoche, car c'était mon dernier amour dévergondé avec la battante solidariste et Front National que j'ai déjà évoqué.

Il va de soi, qu'après quelques tergiversations, nous nous tournâmes dévotement vers Sainte Elisabeth de Hongrie.

J'en finis avec les prénoms.

Troisième ventre arrondi par l'arrosage divin, je demandai avec insistance et une certaine insolence, un garçon au Bon Dieu.

Pour manipuler la Très Sainte Trinité, qui adore ça, je décidai que ce serait un  "Jean-Baptiste".

J'allai jusqu'à composer en français et en latin, des litanies à Saint Jean-Baptiste, qui n'existent pas et que je soumettai à l'approbation canonique de mon cher curé.

Je remportai la partie et eu mon Précurseur, en l'occurence, mon successeur.

Je n'oublie évidemment pas Claire, la seule femme autorisée à porter le Saint-Sacrement dans les villes d'Italie et je ne voudrais pas non plus que Bénédicte tousse en pensant que je l'ignore.

Etant Oblat de l'Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, il était logique que je rende hommage à Notre Bienheureux Père Saint Benoit.

Je m'aperçois, du coup, que je ne vous ai pas causé d'Elisabeth.

A l'heure actuelle, elle est à Perpignan où j'avais quelques attaches familiales.

Elle n'en saura donc rien.



Publié dans Souvenirs

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L
<br /> <br /> A Peroignan il y a aussi Internet!<br /> <br /> <br /> Je t'aime fort.<br /> <br /> <br /> Elisabeth<br /> <br /> <br /> <br />
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